L’assurance contre les loyers impayés est, avec l’encadrement des loyers, la mesure phare de la nouvelle loi sur le logement. Mais son financement et son fonctionnement restent flous. Au point qu’on parle déjà d’un enterrement de la mesure…
Applicable en janvier 2016, la GUL concernera plus d’une dizaine de millions de Français, et sera mardi 17 décembre en discussion au Parlement. Présentée par Cécile Duflot dans le cadre de sa loi ALUR (accès au logement et un urbanisme rénové), la garantie universelle des loyers vise à garantir tous les propriétaires privés contre les loyers impayés. Sa mise en place, annonce Cécile Duflot, sera « automatique« , dès la signature du bail et permettra d’éviter « la concurrence des cautions« , qui accentuent les inégalités dans l’accès au logement.
Voilà pour la bonne conscience. Passons maintenant aux travaux pratiques. Et là, c’est moins clair… Le financement, d’abord. Il est coûteux. La GUL est estimée « entre 500 et 600 millions d’euros » par le ministère, et jusqu’à… six fois plus par les assureurs. Quel sera, au final, son coût réel ? Quelles seront ses modalités d’application ? Autant de questions qui restent en suspens, d’autant que la ministre n’a pas cessé de reculer sur la portée de son dispositif depuis six mois.
Qui paiera ?
Lors de son lancement, en avril dernier, tout paraissait limpide : la garantie universelle des loyers, véritable « sécurité sociale du logement », serait financée par un prélèvement sur le loyer. Son montant : environ 1%, soit environ 430 millions d’euros annuels, à répartir à part égale entre propriétaires et locataires.
Mais face aux hurlements des représentants des uns et des autres, la ministre avait ensuite fait machine arrière. Elle avait alors annoncé que la garantie universelle des loyers serait prise en charge par le budget du ministère du logement. Mais, cette fois-ci, c’est du côté de Bercy qu’étaient partis les sifflets. Le gardien de l’orthodoxie budgétaire avait fait comprendre à la Ministre EELV (Europe-Ecologie-Les Verts) son opposition totale.
Le 10 décembre dernier, Cécile Duflot opérait donc une nouvelle marche arrière en annonçant un nouveau mode de financement : finalement, cet argent, la Ministre l’aurait trouvé… dans la poche des entreprises. Elle propose en effet d’utiliser les fonds d’Action Logement, l’ex-1% logement. 160 millions qui serviront donc à protéger les intérêts des propriétaires bailleurs et pas, comme c’est pourtant l’objectif de l’ex-1% logement, de participer à l’effort de construction en faveur des salariés…
Il n’est pas certain que les parlementaires laissent passer un tel bricolage. A moins que celui-ci ne soit précisément là que pour permettre de mieux couler la mesure. Après tout, rien n’empêche de renvoyer le casse-tête du financement à la loi de finances 2016. D’ici là, Duflot (ou son successeur) auront résolu cette équation impossible : trouver au moins 500 millions d’euros d’argent frais, sans piocher ailleurs ni créer de nouvelle taxe. D’ici là, on peut s’interroger sur les chances de survie d’une mesure au financement si mal assuré…
Qui paiera quoi ?
Mais même avant de savoir comment financer la mesure, il faut connaitre son coût. Et là aussi, les avis divergent : le ministère estimait son coût à 500 à 600 millions d’euros, l’Inspection générale des finances (Bercy) relevait la barre à 736 millions d’euros pour une couverture sur 36 mois.
Quant aux assureurs, ils la voient osciller entre 1,5 et … 3 milliards d’euros selon la conjoncture et la configuration du dispositif. Au ministère du Logement, de tels montants font sourire, mais à Bercy, au Ministère des finances, on n’est pas loin de penser comme les assureurs. Aussi la nouvelle mouture du dispositif telle qu’elle sera discutée mercredi, a été nettement « recentrée » par rapport à celle sur laquelle ont été faites les premières estimations.
Payer pour quoi ?
Cette GUL nouvelle version, soulignent les services de Cécile Duflot, couvrira tous les baux signés à compter du 1er janvier 2016, soit, à terme, environ 6 millions de baux (et plus d’une dizaine de millions de Français). Mais elle ne sera pas obligatoire, puisque le bailleur pourra encore décider de lui préférer une caution.
De plus, elle aura comme référence le loyer médian de référence qui sera fixé localement par les préfets. Cela devrait contribuer, estime Cécile Duflot « à la modération des loyers ». En effet, concrètement, un loyer supérieur au loyer médian ne sera pas intégralement couvert contre les potentiels défauts de paiement des locataires. Mais surtout, la GUL ne doit pas coûter trop cher aux pouvoirs publics.
La garantie se voulait universelle ? Elle ne le sera pas. D’abord parce qu’elle ne portera que sur les locataires du secteur privé. Ensuite parce qu’elle sera -vraisemblablement- limitée en montant et qu’elle exclura les profils qui présenteront un risque élevé. Comme, par exemple, les locataires les plus modestes, ceux dont le loyer représente 40 à 50% des revenus et dont la seule présence dans la GUL pourrait alourdir la facture de 160 millions et même de presque 300 millions selon les assureurs. Quant à la garantie du propriétaire, elle n’est pas non plus universelle. Limitée à un loyer plafond, elle contraindra nombre d’entre eux à s’assurer en complément auprès d’un assureur privé, s’ils veulent être totalement couverts…
Et si on ne paie pas ?
La nouvelle mouture de la GUL réclamera toute une organisation pour permettre une indemnisation rapide des propriétaires et une récupération rapide des sommes que n’a pas pu (ou pas voulu) verser le locataire. Avant la signature de tout bail, le propriétaire devra vérifier que le locataire ne figure pas sur un fichier des « mauvais payeurs », qui sera créé pour l’occasion.
De plus, pour gérer tout cela, il faudra aussi une infrastructure. Autrement dit, une nouvelle « Agence » gouvernementale. Elle devrait avoir la tâche -herculéenne- de contrôler les six millions de baux et de traiter 120.000 dossiers par an (le nombre actuel d’impayés). Le tout, avec seulement une quarantaine de fonctionnaires ! Mais la ministre nous assure que cette agence, pour gérer ces dossiers délicats, « s’appuiera sur les associations de réinsertion, les marchands de biens, les agents immobiliers et des courtiers agréés » !
Si tout ce beau monde échoue, le locataire récalcitrant devra passer à la caisse, qu’il le veuille ou non. C’est l’Etat qui se chargera du recouvrement, au besoin par la manière forte. Bercy préconise l’utilisation des saisies sur salaire, sur allocations familiales ou sur comptes bancaires. C’est sans doute le seul point de cette Garantie Universelle des loyers que personne -pour le moment- n’a contesté…
http://www.challenges.fr/economie/20131216.CHA8459/immobilier-tout-ce-qu-il-faut-savoir-sur-la-garantie-des-loyers-gul.html